18 décembre 2009

Compère Général Soleil

Lisant à un rythme effréné récemment, voici encore un post à propos d'une lecture (et le prochain livre est presque fini...).

Bon, ça faisait longtemps que je n'avais pas lu de vrai chef-d'oeuvre, de vrai livre indispensable si l'on ne veut pas mourir idiot, de vrai "must read" comme on dit outre mer des Sargasses. En voici un : Compère Général Soleil de Jacques Stephen Alexis, auteur haïtien descendant de Jean-Jacques Dessalines (premier président, puis empereur auto-proclamé, d'Haïti). Ce roman date de 1955, période de dictature en Haïti (celle de François Duvalier, dit "Papa Doc"). Voici ce qu'en dit Dany Laferrière dans L'Enigme du retour (que je suis en train de lire) : "Pour moi Compère Général Soleil de Jacques Stephen Alexis est un des plus beaux romans de la littérature haïtienne".

L'histoire se passe dans les années 1930 (période de dictature en Haïti, celle de Sténio Vincent...), nous raconte la vie d'Hilarius Hilarion, jeune nègre de Port-au-Prince, et commence par le récit d'un vol qu'il commet pour manger. Il se fait arrêter, tabasser par la police, emprisonner. Là, il rencontre un militant communiste et va peu à peu s'ouvrir à cette doctrine. Il sort alors de prison, et essaye de refaire sa vie. Le roman peut alors véritablement débuter. Hilarion va rencontrer une femme, s'installer avec elle. Il va chercher et faire différents boulots, va rencontrer des militants communistes sans trop participer à leurs actions. Il va observer des mouvements de gève des travailleurs haïtiens... et il va ensuite, comme nombre des siens, émigrer en République Dominicaine (alors en pleine dictature de Trujillo -aucun lien de parenté avec le bassiste de Metallica, que je sache) pour aller couper la canne et gagner un peu plus d'argent. Là, il va se retrouver en pleine épuration ethnique d'Haïtiens (il y aurait eu environ 15 000 Haïtiens massacrés dans ce génocide caribéen de 1937)...

Ce roman, fiction trop réelle, est particulièrement poignant dans cette peinture de ce peuple qui essaye de survivre dans des conditions et sous des dictatures abominables, et d'avoir lui aussi accès au bonheur. Il y a du Hugo et du Zola dans ces pages, et l'on ne peut que ressortir bouleversé d'une telle lecture. En voici un passage, le tout début :

"La nuit respirait fortement. Il n'y avait pas de monde dans la cour. Pas un chat. Alors cette ombre plus noire que la nuit joua des pattes, tel un coryphée papillonnant. L'ombre lissait son corps dans le devant-jour, par à-coups, telle une puce.
Cette nuit-là, le vieux faubourg était bleu-noir. Tout le quartier Nan-Palmiste, qui pourrit comme une mauvaise plaie au flanc de Port-au-Prince, baignait dans un jus ultra-marin, une vraie soupe de calalou-djondjon. Des voiles violâtres, annonciateurs d'aurore, plaquaient le ciel d'ébène. Et l'homme d'ombre ondulait, se lissait, faufilant à pas pressés dans la cour. Le devant-jour était frais, très frais ; les masures semblaient presque roses.
"Non..., non, pas un homme, pas une chatte !", songea Hilarion. Il rit, et ses dents marbres luirent dans l'ombre.
Ce nègre était presque nu, presque tout, tout nu. Un nègre bleu à force d'être ombre, à force d'être noir.
Il continuait d'avancer.
Une frisée, une chouette-frisée, ricana sinistrement sur la nuit. Le nègre trembla à ce signe de mauvais augure ; tous ses cheveux tressaillirent, mais il continua. Hilarion, en effet, n'avait pas son bon ange, il songeait si fort, que les réflexions sortaient tout haut de sa bouche. Hilarion parlait tout fort dans la demi-nuit. Tout haut, comme les fous, dont la bouche n'a point de paix.
Car, il ne faut qu'une petite miette, pour qu'un pauvre malheureux devienne fou. La misère est une femme folle, vous dis-je. Je la connais bien la garce, je l'ai vue traîner dans les capitales, les villes, les faubourgs de la moitié de la terre. Cette femelle enragée est la même partout. Par elle, dans les haillons de tous les crève-la-faim, il y a un poignard d'assassin, ou de fou, c'est la même chose. Femelle enragée, femelle maigre, maman de cochons, maman de putains, maman de tous les assassins, sorcière de toutes les déchéances, la misère, ah ! elle me fait cracher !"

15 décembre 2009

La Danse du dragon

Non, il ne s'agit pas du dernier Jackie Chan (puisque ce film date de 1980...), mais bien du dernier livre que j'ai lu, par le Trinidadien Earl Lovelace (lui aussi "rencontré" lors du Congrès international des écrivains de la Caraïbe, sorte de Wong Kar-Wai planqué derrière ses verres fumés). The Dragon can't dance a été publié en 1979 et raconte l'histoire d'Aldrick, jeune homme d'un quartier désoeuvré de Port-of-Spain (le bidonville appelé "la Montagne") qui prépare son costume de dragon pour le carnaval de Trinidad (un des plus fameux de la Caraïbe, paraît-il). Il sera amené à croiser différents personnages, dont l'histoire nous sera aussi racontée : la jeune Sylvia dont il est amoureux, Philo le chanteur de Calypso, Z'yeux d'morue le caïd local (membre d'un steel-band), Pariag l'Indien qui voulait réussir... c'est toute la vie du quartier qui nous est ainsi dévoilée avec comme fil conducteur le carnaval et sur fond de steel-drum et de calypso (spécialités locales). Avec un style léger mais précis, le lecteur se fait aisément embarquer dans le déboulé général. Je conseille donc vivement cet ouvrage.

08 décembre 2009

La Caféière Beauséjour

Dimanche dernier, nous sommes allés à la Caféière Beauséjour, section Acomat à Pointe-Noire. Il s'agit d'une ancienne caféière (fin XVIIIème) rachetée et restaurée par une dame. Outre la visite de la maison, très jolie, avec un petit musée de pièces d'époque, la caféière produit son propre café et dispose d'une table d'hôtes à très bonne réputation, ainsi que de gîtes. Par ailleurs, chaque année, la propriétaire y organise des concerts de musique classique.

Nous y sommes allés pour manger le midi, mais aussi pour visiter. L'habitation se trouve sur les hauteurs, à 300m d'altitude, dans un très joli site.

Nous avons eu droit à un bon repas : en entrée, foie gras avec tranches de carambole (bon, c'est surtout pour la déco...), un filet de bœuf avec bananes cuites et purée de fruit à pain en plat principal, et une sorte de mousse cappuccino en dessert. Une bonne table que je recommande donc.

Puis, pour digérer, un petit tour du propriétaire (visite gratuite puisque nous avions pris un repas). Voici quelques photos de l'habitation et du site.

Enfin, l'intérieur de l'habitation. Le rez-de-chaussée est un petit musée, et l'étage est réservé aux propriétaires.