27 octobre 2009

Le Royaume du fruit-étoile

Un peu de littérature, ça faisait longtemps. En fait, j'ai lu d'autres livres depuis, mais je n'ai pas eu envie d'écrire à leur propos.

Le Royaume du fruit-étoile est un recueil de poèmes (il faut lire de la poésie...) du Sainte-Lucien Derek Walcott, prix Nobel de littérature en 1992, que j'avais eu l'occasion de voir lors du 1er Congrès international des écrivains de la Caraïbe.

Dans cet ouvrage particulièrement intéressant, le poète célèbre la variété des îles de la Caraïbe, non sans s'interroger sur leur passé (l'esclavage, toujours), leur présent (les inégalités, le racisme...) et, ipso facto, leur avenir. Le thème de la mer a lui aussi une large place dans ses vers.

Une passage placé en exergue a retenu mon attention : "J'accepte cet archipel des Amériques. Je dis à l'ancêtre qui m'a vendu et à l'ancêtre qui m'a acheté : Je n'ai pas de père, je ne veux pas d'un tel père, bien que je puisse vous comprendre, fantôme noir, fantôme blanc, quand l'un et l'autre vous murmurez : "histoire"... A vous, grands-pères à qui intérieurement j'ai pardonné, je vous adresse, comme les plus honnêtes de ma race, un étrange merci, amer et pourtant exaltant merci pour cette immense friction et soudure de deux grands mondes, pareils aux moitiés d'un fruit jointes par son propre jus amer, je vous remercie de m'avoir placé, exilés de vos propres Edens, dans la merveille et le prodige d'un autre."

L'édition que j'ai eue (via la bibliothèque de Trois-Rivières) est une édition bilingue, avec le texte original anglais en regard. J'ai donc pu parfois jeter un œil au style de l'auteur. J'ai aussi relevé quelques problèmes de traduction... Le titre original de l'ouvrage est The Star-Apple Kingdom, qui a donc été traduit littéralement. Problème : star-apple désigne une réalité des Antilles, un fruit qui existe réellement, et qu'on appelle caïmite dans les îles francophones (voir la photo). Ensuite, la traductrice a traduit Kick-'em-Jenny par "Bott'-leur-le-cul-Jenny"... Or, tout habitant des Antilles s'intéressant un peu à la région Caraïbe (en fait, tout bon geek comme moi) sait que Kick-'em-Jenny n'est pas une expression inventée par Walcott, mais bien une réalité : il s'agit d'un volcan sous-marin situé au nord de la Grenade, et dont le nom n'est pas traduit en français. Mettons cela sur le compte d'une méconnaissance des réalités caribéennes, car le reste de la traduction est de bonne qualité.

J'ai d'ores-et-déjà décidé de lire d'autres recueils de Derek Walcott ! Voici un petit passage de mon choix :

"Il y avait une rosse à bord, il me tenait à l'œil
c'était le maître-coq, un gars de Saint-Vincent
avec la peau d'un gommier, une écorce rouge pelée,
et des yeux bleus éteints ; il me laissait jamais de répit,
comme s'il se croyait blanc. J'avais un cahier,
celui-ci même, dont je me servais pour écrire
ma poésie ; un jour ce gars-là me l'arrache,
le lance aux matelots à droite à gauche
en braillant : "Attrapez-le", puis se met à minauder
comme si j'étais une poule à cause des poèmes.
Il y a des affaires qui se règlent avec les poings,
d'autres avec un tolet, d'autres avec un couteau-
celle-là, c'était le couteau. D'abord, je le supplie,
mais il poursuit sa lecture : "O ma femme, ô mes enfants"
en feignant de pleurer, pour faire rire l'équipage ;
il file comme un poisson volant, le couteau d'argent
qui va se planter en plein dans le gras de son mollet,
lui, tombe dans les pommes, et il devient plus blanc
qu'il croyait l'être. J'imagine qu'entre hommes
on a besoin de bagarre. C'est pas normal
mais c'est ainsi. Il y a pas eu beaucoup de mal,
rien que des flots de sang, on est copains, moi et Vincie,
mais personne n'a plus déconné avec ma poésie." (1)




(1) Pour les puristes, mais aussi pour tous mes lecteurs anglophones, et ils sont particulièrement... heu... nombreux, voici le texte original :

"It had one bitch on board, like he had me mark-
that was the cook, some Vincentian arse
with a skin like a gommier tree, red peeling bark,
and wash-out blue eyes ; he wouldnt give me a ease,
like he feel he was white. Had an exercise book,
this same one here, that i was using to write
my poetry, so one day this man snatch it
from my hand, and start throwing it left and right
to the rest of the crew, bawling out, "Catch it",
and start mincing me like I was some hen
because of the poems. Some case is for fist,
some case is for tholing pin, some is for knife-
this one was for knife. Well, I beg him first,
but he keep reading, "O my children, my wife",
and playing he crying, to make the crew laugh ;
it move like a flying fish, the silver knife
that catch him right in the plump of his calf,
and he faint so slowly, and he turn more white
than he thought he was. I suppose among men
you need that sort of thing. It ain't right
but thats how it is. There wasn't much pain,
just plenty blood, and Vincie and me best friend,
but none of them go fuck with my poetry again."

25 octobre 2009

Les îles du vent

Avant-hier, je me suis procuré Les îles du vent, premier manga antillais ! Eh oui, après la traduction en créole de plusieurs bandes-dessinées (dont Gran Kannal-la), les éditions Caraïbe Editions ont lancé ce pari d'un titre original, dans le style manga qui plus est. Ayant été un très gros consommateur de ce type de création picturale, j'ai attendu patiemment la parution de l'ouvrage et me suis empressé de l'acheter (après quelques minutes d'hésitation devant le prix : 9,09 euros).

Ce manga a été dessiné par Elodie Koeger, une jeune Alsacienne férue de culture japonaise en résidence d'artiste en Guadeloupe pour cinq mois. Le conseiller "technique" et culturel n'est autre que le célèbre Hector Poullet, celui-là même qui a traduit les bandes-dessinées en créole chez cet éditeur.

Le scénario est assez intéressant : c'est l'histoire de Marie-Scolastique (dite Dionine), jeune fille habitant dans le Sud de la Basse-Terre, qui découvre deux Haïtiens en situation irrégulière cachés dans le jardin de ses parents. Elle va tout faire pour les aider. Parallèlement, se noue une romance entre elle et Yann, jeune douanier Breton fraîchement arrivé en Guadeloupe, chargé de faire la chasse aux immigrants illégaux, évidemment...

Le scénario est donc propice à pas mal de rebondissements et voyages dans la Caraïbe. Les références culturelles locales sont particulièrement authentiques et ancrent fortement le récit dans la réalité sociale antillaise, ce qui est très appréciable. Quelques défauts cela dit (il s'agit d'une première œuvre, soyons indulgents) : on peut voir quelques raccourcis scénaristiques, tout comme certaines aberrations, il y a quelques coquilles que nous mettrons sur le compte de l'édition, enfin les bulles des personnages ne sont pas toujours placées bien à propos (parfois on ne sait pas qui parle). Quant au style graphique, il est très honnête, dans le style manga. Le découpage des planches et des cases est dynamique et d'une compréhension aisée.

Apparemment, une suite est prévue ("à suivre" est écrit à la fin), même si la mention "volume 1" n'est portée nulle part. Souhaitons la réussite à cette série !

24 octobre 2009

Viens un peu par ici, toi...

Voici le dessin de Pancho paru dans le France Antilles d'aujourd'hui. Ca m'a bien fait rire...

13 octobre 2009

Le saut d'eau du Matouba

Dimanche dernier, nous avons profité d'une superbe journée (comme d'hab' depuis fin août... il n'a presque pas plu, météo france estime le déficit pluviométrique à 78% !) pour aller faire une petite rando. Enfin, une balade, plutôt. Il s'agit de la balade du saut d'eau du Matouba. Matouba est une section verdoyante (et bien arrosée) située sur les hauteurs de Saint-Claude (elle-même sur les hauteurs de Basse-Terre !). Sur la route pour s'y rendre, on peut trouver la fameuse stèle à Louis Delgrès. Cette stèle, pas très jolie cela dit en passant, se trouve sur l'endroit de l'habitation Danglemont où Delgrès s'est fait sauter en mai 1802 avec ses hommes (ainsi que la mûlatresse Solitude), pour protester contre le rétablissement de l'esclavage par Richepance, général d'Empire.

Voici une photo de la stèle, ainsi que de l'usine Matouba (là où est embouteillée l'eau de source du même nom !).

La promenade commence devant l'habitation la Joséphine, autre lieu fort connu, puisqu'un certain Alexis Léger (alias Saint-John Perse, prix Nobel de littérature en 1962) venait y passer ses vacances au frais étant enfant. Malheureusement, impossible de la visiter...

Désolé pour l'exposition, mais j'ai pris cette dernière photo entre le portail et le grillage, comme un paparazzo...

Sur le chemin vers le saut d'eau, quelques paysages champêtres.

Après une traversée de champs de bananiers et une descente de talus sur des marches aménagées, nous arrivons donc au bord de la rivière, et entendons le bruit de la chute. Le bassin au pied de celle-ci invite à la baignade après cet effort (on dirait un dépliant touristique là... hum...).

11 octobre 2009

L'îlet du Gosier

Hier nous sommes allés passer la journée et pique-niquer sur l'îlet du Gosier. Il s'agit donc d'une minuscule île au large du Gosier, probablement un haut-fond qui serait sorti voir comment ça se passe à la surface. Il n'y a rien dessus, si ce n'est un phare, deux bâtiments en ruine (spécialité locale) et tagués (certainement là où habitait le gardien du phare, lorsqu'il y en avait un). Il y a également un "restaurant". Enfin, un truc en tôle (autre spécialité locale) avec des chaises et des tables en plastique sous un carbet, où des gens (fort sympathiques au demeurant) servent à manger. Précision : il n'y a pas d'eau courante ni d'électricité (et pas de groupe électrogène non plus)....

Pour s'y rendre, il faut aller à l'embarcadère des pêcheurs du bourg qui, fort gentiment (mais pas gratuitement quand même, faut pas rêver) emmènent les gens sur l'îlet à toute heure. Il n'y a donc rien à y faire, si ce n'est profiter de la beauté du lieu, du calme et de la plongée de surface. En effet, l'îlet, comme vous pouvez le voir sur une photo ci-dessous, est ceinturé par une espèce d'arc de récifs coralliens. Cela procure deux avantages : pas de vague sur la plage, et de beaux poissons à observer. Dans le désordre, j'y ai vu des poissons chirurgiens, des oursins noirs, blancs et rouges, des orphies, des demoiselles, des carangues, des girelles, des gorettes, et une méduse emportée par le courant qui a failli me percuter en plein visage (pourtant, elle nageait pour lutter contre le courant, la bougresse).

Désolé pour les photos, elles ne sont pas de moi. J'avais en effet oublié de prendre mon appareil... elles ont donc été prises au hasard sur internet. Leurs auteurs voudront bien me pardonner cet emprunt...