25 janvier 2009

i pa bon menm pou Gwadloup...

Je n'avais pas trop envie d'écrire à propos de la grève générale qui sévit en Guadeloupe depuis une semaine, je me disais : "A pa biten an mwen, sé biten a pèp Gwadloup". Mais face à la tournure des événements, il me faut un exutoire. Et en plus, je vis ici depuis quelques années maintenant, je suis donc pas mal concerné !

Alors, pour ceux qui ne vivraient pas en Guadeloupe et qui ne seraient pas trop au courant (j'ai vu des sujets dans le Soir 3, mais je ne sais pas pour les autres JT ni pour la presse écrite... cela dit, c'est très parlant : on a attendu 4 jours pour voir un sujet au JT national... combien de temps aurait-on attendu pour voir un sujet au national si un département de métropole avait été entièrement bloqué ??), je vais succinctement résumer la situation. En gros, un collectif (le kolektif liyannaj kont pwofitasyon) rassemblant l'ensemble des syndicats (même ceux de l'éducation), des associations et des partis politiques d'extrême gauche, proteste contre la vie chère. Ce qui n'est pas condamnable, à la base. Il est vrai que la vie est chère ici, et que le tout importé n'explique pas tout (il y a des abus et des monopoles scandaleux...). Ce collectif a donc décidé de faire une grève reconductible à partir de mardi dernier, et a déposé un ensemble de 123 revendications (oui, oui !) à faire discuter par le gouvernement, le patronnat et les collectivités locales. La plupart des revendications sont légitimes (baisse des prix), certaines sont utopiques et impossibles à accorder (augmentation du salaire minimum), d'autres sont purement scandaleuses (réhabilitation et indemnisation des chauffeurs de transports en commun clandestins -les transports en commun se sont mieux organisé depuis un an et demi car avant c'était n'importe quoi sans autorisation-). Le problème, c'est que la méthode est inadaptée. Ok pour les revendications, ça peut aider les foyers les plus pauvres, et même les autres. Ok pour une grève, c'est un droit que je ne renierais en aucune façon. Mais bloquer toute l'île depuis lundi (les stations service sont fermées, donc les gens ne roulent plus, ne vont plus au boulot, les écoles sont fermées, les transports en commun arrêtés, les manifestations culturelles et sportives reportées...), je ne suis pas sûr que ce soit très intelligent. Il y a moyen de se faire entendre autrement que d'obliger les commerces à fermer sous prétexte de solidarité !

Il faut savoir que ce collectif est "dirigé" par un syndicat, l'UGTG, connu pour prôner systématiquement le blocage, et pour ses positions radicales (ils ne parlent qu'en kréyol...). Des extrémistes, quoi. Et c'est le syndicat majoritaire dans les entreprises, et au conseil des prud'hommes... Je ne mets pas en doute leur volonté d'agir pour le bien du peuple guadeloupéen. Mais leurs méthodes, si. Alors, ils nous ressortent la vieille antienne rebattue du peuple guadeloupéen colonisé etc... Ils vont se réclamer de Césaire alors qu'ils n'y ont rien compris ! Le peuple guadeloupéen, colonisé ? Je ne vois pas un semblant de ressemblance entre la situation actuelle des Guadeloupéens (la Guadeloupe n'est plus une colonie mais un département français depuis 1946) et celle des Algériens avant 1962. Ou même avec celle des Polynésiens et des Néo-Calédoniens qui, eux, peuvent se dire "colonisés". Ce syndicat, et donc le collectif qui le suit, veut ne plus être "colonisé", et demande en même temps une hausse des aides de l'Etat ! Ou comment être prisonnier de sa rhétorique malsaine et en devenir paradoxal...

Le collectif oeuvre donc pour améliorer le sort des Guadeloupéens. Résultats visibles de cette grève : beaucoup d'agriculteurs gardent des tonnes de fruits et légumes invendus (ben oui, les commerces sont fermés...), les entreprises annoncent des plans sociaux (mises au chômage technique) pour éponger les pertes subies, les touristes écourtent leur séjour (nous sommes en pleine période touristique, et ça commençait pas mal d'après le comité de l'office de tourisme des îles de Guadeloupe -qui a fait un excellent boulot depuis quelques années, et qui voit tout réduit à néant par des irresponsables) car ils ne peuvent plus circuler ni s'alimenter, les futurs touristes annulent leurs réservations (on est sur 30 % d'annulations cette semaine d'après le représentant des hôteliers...). Plusieurs paquebots de croisière ont annulé leur escale en Guadeloupe : perte estimée pour les commerçants, 250 000 euros. Après tout ce qui a été fait pour relever le tourisme de croisière moribond au début des années 2000.

Donc, voilà, le collectif oeuvre pour améliorer le sort des Guadeloupéens. Alors, d'après eux, le mouvement est populaire (ben oui, le vulgus pecum approuve un mouvement qui veut lui donner plus d'argent...). Mais en fait, de nombreuses personnes qui veulent travailler et éviter tous ces blocages ne le soutiennent pas autant que ça (sur les idées, peut-être, pas sur les moyens utilisés). J'en veux pour preuve ces riverains de la cité Matéliane à Goyave qui s'en sont pris à des grévistes rassemblés dans leur quartier, parce qu'ils en avaient marre ("nou ni mar !").

En ce qui concerne les négociations, tout le monde a enfin réussi à s'asseoir autour d'une table cet après-midi -après 5 jours de grève totale, quand même... Mais cela a capoté. Rebelote demain. Mais comme dirait Victorin Lurel, président du Conseil Régional, si il faut 5 jours pour s'asseoir autour de la table, combien pour discuter des 123 points de revendication ?

J'aimerais, pour finir ce post, publier la lettre d'Ernest Pépin, éminent écrivain guadeloupéen. Il tient un blog sur un site intenet. C'est le seul intellectuel qui se soit exprimé à ce sujet, avec des interrogations profondes, et des propositions mûrement réfléchies. Tout ce petit monde devrait s'en inspirer... A bon entendeur.



Quelle leçon tirer de Barack Obama ?

Comme de nombreux Guadeloupéens, je suis fasciné par cet homme qui a réussi à faire entrer un noir à la maison blanche. Les commentaires élogieux pleuvent de partout. C’est l’état de grâce bien mérité. Pourtant une petite voix me souffle : et nous ?
Et nous guadeloupéens qu’avons-nous faits ? Que faisons-nous ? Que ferons-nous ?
Passé les brûlures de l’esclavage, passé les interminables débats sur l’identité, passés négritude et créolité, comment devons-nous aborder le XXIème siècle dans une perspective qui soit la notre.
Je ne renie aucune parcelle de mon passé et je suis solidaire de tous les combats que nous avons menés mais je voudrais me positionner résolument dans l’avenir.
Nous sommes un petit pays. Une petite lèche de terre peuplée seulement de 400.000 habitants et pour le moment nous sommes hors-jeu dans notre présent et presque condamné à quémander l’avenir à ceux qui nous gouvernent. Chacun y va de sa chanson, de son parcours, de ses rêves. C’est précisément cela qui nous manque : une chanson commune, un parcours commun, un rêve commun. Peut-être avons-nous besoin de savoir ce qu’est une société. Je veux dire une entité sociale, économique, politique, culturelle dont les rouages s’articulent dans un système cohérent et efficace.
Je constate que nous sommes une somme de revendications syndicales obsessionnellement tournées vers les questions salariales, le maintien des avantages acquis, la guerre contre le patronat etc. Et ceci nous condamne à des postures agressives ou impuissantes. Plus grave, agressives ET impuissantes. Ce ne sont pas les miettes lâchées ici ou là qui vont changer la donne en l’absence de tout projet viable.
Je constate que nous nous noyons dans le puits de la consommation. Les panneaux publicitaires fleurissent. Les voitures de luxe encombrent les routes. Les gadgets de toutes sortes tiennent lieu d’accès à la modernité. La modernité est un mot terrible. Cela fonctionne comme une machine à broyer le passé, la culture (reléguée au rang de tradition !), les manières de penser, de faire et de vivre. Nous voulons être en première classe sans nous soucier de la destination du train. Moi, j’ai envie de crier : construisons les rails, construisons le train, construisons la gare.
Nous avons le choix entre trois options.
Laisser rouler les choses au risque de se perdre.
Devenir indépendant au risque de s’appauvrir ;
Tenter une autonomie au risque de se faire gruger.
Il y a toujours un risque ! C’est là notre douleur et c’est là notre lâcheté.
En réalité, je crois qu’il faut reformuler un projet guadeloupéen en toute responsabilité et en toute lucidité.
Qu’est-ce à dire,
Définir (redéfinir) quelle peut-être notre fonction économique, sociale, politique et culturelle. Et surtout définir (redéfinir) notre relation à la France et à l’Europe pour sortir de l’assistanat (cette mendicité de droit) et de l’infantilisation (ce légitime impôt prélevé par les bailleurs de fonds). Il faut donc commencer par nous définir nous-mêmes en ayant le courage et l’humilité d’éviter les postures victimaires ou héroïques, les positions dogmatiques, les immobilités conservatrices, les impasses de l’idéologie et le suivisme soi-disant moderniste. Cela fait beaucoup de contraintes mais la lucidité est à ce prix.
Nous sommes, le plus souvent, de piètres chefs d’entreprise.
Nous sommes le plus souvent des petits tas d’égoïsmes et au mieux des petites bandes de corporatismes.
Nous sommes, le plus souvent, de mauvais maris, de mauvaises épouses et pour finir de mauvaises familles.
Nous sommes, le plus souvent, une société violente au niveau des individus et au niveau du collectif.
Nous sommes le plus souvent des viveurs au jour le jour, des jouisseurs inconséquents. Toutes les industries du loisir le savent : boite de nuit, sex-shop, déjeuner champêtre, hôtels, Midi-minuit. Etc.
Nous sommes le plus souvent des travailleurs toujours en grève, en congé, en dissidence, en ruse et en laxisme.
Nous sommes le plus souvent abonnés à la seule culture populaire, oublieux de la culture du monde et trop matérialiste pour comprendre qu’un poème, qu’un roman, qu’un tableau, qu’une chanson, qu’une pièce de théâtre, etc. ne sont ni des divertissements ni des exutoires mais des problématiques d’un autre possible de nous et du monde.
Nous sommes le plus souvent une insociété comme on dit une incivilité.
Et avec ça toujours empressé de nous comparer à la France comme si le monde entier, les seuls modèles, les repères absolus appartenaient à une France en crise depuis longtemps.
Nous regardons de haut la Caraïbe et nous ignorons les Amériques. C’est pourtant selon la formule consacrée notre environnement naturel. Alors que nous sommes si riches de l’argent des autres !
Il est de bon ton de dire qu’il ne faut pas diaboliser la Guadeloupe, qu’il ne faut pas se flageller et qu’il faut positiver. Toute critique est assimilé à une trahison ou à du vomi. Posons-nous la question qu’est-ce qui est positivable ?
Une jeunesse aux abois !
Des citoyens irresponsables !
Des personnes âgées de plus en plus isolées !
Un nombre grandissant d’exclus !
Un pouvoir local sans vision !
Des intellectuels bâillonnés par la proximité !
Des artistes impécunieux et subventionnés !
De grandes messes jubilatoires !
Une impuissance économique chronique !
Un tourisme impensé !
Des rapports de classe et de race viciés par le passé !
J’aime la Guadeloupe, mais je crois qu’il faut lui dire ses quatre vérités. Pas de presse capable de conscientiser ! Pas d’émissions éducatives et formatrices ! Une université trop extravertie. Un artisanat désuet. Une langue créole qui fout le camp ! Nous le disons entre nous, en petits comités. Nous le chuchotons mais nous avons honte de le crier en public. Comme dit Franky, c’est la vie en rose ! Césaire l’a écrit : « un paradis absurdement raté ». Maryse Condé l’a craché : la Guadeloupe n’est pas un paradis ! Et nous sommes là plein de rancœurs rancies, pleins de rêves non muris, admirateurs des autres, ébahis devant notre moindre prestation d’humanité, toujours dans la logique du rachat. Ah nos sportifs ! Au nom de quoi, le fait d’être guadeloupéen fait d’un exploit sportif un miracle ? A moins de douter de soi et d’estimer inconsciemment que nous n’avons pas droit à l’excellence.
Et c’est la première leçon que je tire d’Obama : le droit au droit à l’excellence.
La deuxième étant de casser, de répudier tous les discours qui obstruent l’horizon : la race, konplo a neg sé konplo a chien ! Nou sé neg ! Le fandtyou ! Cette moquerie permanente de tous ceux qui tentent, qui osent et même parfois qui font. Etc.… Cette mise en dérision de nous-mêmes !
La troisième étant de doter la Guadeloupe d’un vouloir collectif qui transcende les différences, les rancunes, les sottes compétitions, les querelles idéologiques, les xénophobies, les nombrilismes, les chauvinismes à bon marché.
La quatrième étant de miser sur l’intelligence, toutes les formes d’intelligence, pour élever le débat au-dessus des querelles de personnes.
La cinquième d’assumer notre histoire, toute notre histoire, par nous, pour nous, sans mendoyer une reconnaissance que nous ne nous octroyons pas très souvent. C’est de nous-mêmes, de notre énergie, de notre créativité, de nos talents, de nos forces, de notre rigueur, de notre respect pour nous-mêmes que viendra la reconnaissance et non de telles ou telles victoires plus symboliques que réelles.
Se déplacer à Washington pour dire « j’y étais ! » c’est bien. S’atteler au char de la Guadeloupe c’est mieux !
Obama est un homme qui a cru en son pays sans renier ses origines. C’est un homme qui a cru en la capacité de son pays à dépasser les frontières des pensées établies. C’est un homme qui a su faire croire en lui. C’est ce pari là qu’il faut gagner.
Si nous disons : « mon pays c’est la France ». Alors, il faut assumer et faire en sorte que la France change et on ne peut le faire sans les Français de l’hexagone.
Si nous disons « mon pays c’est la Guadeloupe colonisée ».Alors, il faut l’assumer et décoloniser la Guadeloupe en privilégiant les armes de la décolonisation de l’imaginaire, de l’économie, du culturel, du politique et du social. Il est inconséquent de prôner la décolonisation en jouant le jeu d’une surintégration parfaite et indolore.
Si nous disons « mon pays c’est la Guadeloupe autonome ». Alors il faudra l’assumer en se préparant à exercer un pouvoir local plus riche en compétences et désireux de développer une richesse guadeloupéenne.
Si nous ne disons rien, nous sommes coupables de nous croiser les bras devant une société qui se saborde (violences sexuelles, violences des jeunes contre les jeunes, violence des hommes contre les femmes, violences au sein des familles, violences sociales plus ou moins sournoises). Une société qui se cache derrière le paravent de la consommation. Une société de gestion ou de géreurs et non une société de l’entreprendre. Une société qui a mis en faillite les intellectuels de tous bords.
Une société en danger.
Oui, je dis bien en danger ! Pendant que nous nous livrons à des actes de cannibalisme (les uns à l’encontre des autres !), en l’absence de projet construit par nous et soutenu par nous, des forces agissantes décident pour nous, grignotent le territoire, contrôlent l’économie, décident pour nous ! Je ne parle pas de race, je parle de filières, de réseaux, d’organisations structurées, de puissances financières. Il suffit de regarder Jarry, d’aller à Continent, à Millénis etc. Combien de Guadeloupéens font partie du vrai jeu économique ? Nous ne sommes, à part quelques cas, que des sous-traitants et surtout des sous-gagnants.
Il est vrai que nous sommes soumis comme les autres aux durs effets de la mondialisation, que nos marges de manœuvres sont limitées et que nous sommes un petit marché.
Ceci nous exonère pas de penser, de nous organiser, de lutter dès lors que l’objectif est clair, accepté et positif. Quels objectifs pour l’art, l’économie, le social, le politique ? Comment les atteindre ? Avec quelle stratégie ? En clair comment (re)bâtir la Guadeloupe ?
Il me semble souhaitable d’arriver à commercialiser notre culture sans la prostituer, à exporter ses meilleures créations et surtout à nous nourrir d’elle. Pour le moins, faire entrer la notion de dépenses culturelles diversifiées dans les budgets des familles et des entreprises serait un grand progrès.
Il me semble souhaitable d’envisager un développement rentable de l’agriculture afin de pourvoir, le plus possible, à nos besoins et à ceux des marchés qu’il nous appartient de trouver à l’extérieur.
Il me semble souhaitable de repenser de fonds en comble l’industrie touristique. Je dis bien l’industrie en l’accompagnant des produits du soleil (maillots de bain, serviettes, lunettes de soleil, crème solaire, vêtements etc.) made in Guadeloupe ou labellisés « Guadeloupe ». C’était une idée de Paco Rabanne. Je doute qu’elle ait été entendue !
Il me semble souhaitable de rechercher les voies et moyens d’une solidarité active au sein de la société guadeloupéenne. Nous sommes si généreux envers le téléthon !
Il me semble souhaitable de croire au développement de la langue et de la culture créoles dans une perspective non folkloriste mais diplomatique (il existe un monde créolophone), économique et culturelle.
Il me semble enfin souhaitable que nos élus aillent se former non pas seulement à Paris mais aussi dans la Caraïbe. Ils connaîtraient mieux le fonctionnement des pays indépendants ou néo-colonisés. Ils seraient plus au fait des données de la diplomatie. Ils gagneraient en relations internationales. Ils créeraient d’utiles solidarités.
Mais tout cela n’est rien si nous ne répondons pas à la question suivante : quelle Guadeloupe voulons-nous ? Autrement dit avec quelles valeurs? Quel mode de fonctionnement ? Quel type de citoyens ? Quel système économique ? Quel budget ?
Ce sont des questions qui sont loin de l’élection d’Obama. Ce sont des questions auxquelles tout chef politique doit répondre de façon claire. La méfiance des Guadeloupéens envers les élus, parfois leur inertie apparente, résulte sans doute d’un manque de clarté, d’un manque de pédagogie, d’un manque de vouloir.
Je répète avec Obama l’histoire retiendra notre capacité à construire et non notre capacité à détruire !
Crier que nous sommes des petits-fils d’esclaves ne suffit pas !
Détester, singer ou vénérer la France, n’est pas une politique !
Croire que l’on peut construire sur des ruines est une erreur !
Seront nous capables de dire, nous aussi : YES WE CAN ! C’est cela la leçon, la grande leçon d’Obama !

Ernest Pépin
Lamentin le 21 janvier 2009


PS : Je ne suis pas un spécialiste et mes idées n’engagent que moi. Je ne les livre que pour lancer un débat que je crois nécessaire et salutaire.

20 janvier 2009

Montserrat

Au nord-ouest de la Guadeloupe, se trouve l'île britannique de Montserrat. On peut même la voir par temps clair depuis Deshaies. En 1995, son volcan, la Soufrière Hills, est entré en éruption. Plus de la moitié de la population a dû fuir, soit vers les Iles Vierges Britanniques, soit vers Anguilla, soit vers le Royaume-Uni, et la partie sud de l'île a été abandonnée. Lorsque je prends l'avion pour aller aux Etats-Unis, je longe l'arc des petites Antilles, et on peut très clairement voir la fumée et la partie dévastée.

Début décembre 2008, nouvelle alerte ! Le volcan fait de nouveau des siennes... Voici un cliché pris par un témoin chanceux depuis Deshaies.

Voici ensuite une photo satellite de la NASA. La Guadeloupe est cerclée de rouge, et on peut voir le nuage de fumée du volcan, à l'est et à l'ouest de Montserrat.


Sur le schéma suivant (il n'est pas de moi...), on peut voir la zone évacuée ("exclusion zone"), dans laquelle se trouve Plymouth, la capitale.

Alors, de temps en temps, j'ai l'impression qu'il y a des cendres dans la maison, sur le carrelage... Je ne sais pas si c'est juste un fantasme ou non...

18 janvier 2009

Hasta la revolucion, (para) siempre

Cela n'aura pas échappé à tout individu suivant un peu l'actualité, ce mois de janvier a vu le 50ème anniversaire du rêve d'évolution, pardon, de la révolution cubaine. Début janvier 1959, Fidel Castro et ses acolytes barbudos (Raul Castro le Saint-Just cubain, Camilo Cienfuegos l'idéaliste sacrifié et Ernesto "Che" Guevara l'Argentin rouge opportuniste) entraient dans La Havane sous les vivats de la foule et chassaient le dictateur Fulgencio Batista.

Je m'attendais à trouver pas mal de nouveaux ouvrages à ce sujet en librairie, comme d'habitude lorsqu'un événement spécial fait l'actualité. Las, je n'ai trouvé qu'un seul livre (en un seul exemplaire). Mais il correspondait parfaitement à ce que je voulais : une histoire de la révolution cubaine, et pas une biographie de Fidel ou quoi. Il s'agit de Le Jour où Castro a pris le pouvoir d'Alain Ammar, journaliste à TF1 et spécialiste de Cuba. Il s'est appuyé sur de nombreux témoignages et ouvrages de réfugiés cubains en Floride pour raconter cette année 1959.

Le livre est intéressant sous plusieurs aspects : tout d'abord, en savoir plus sur un événement important de la seconde moitié du XXème siècle. Ensuite, pour comprendre un peu la personnalité du Lider Maximo. Et enfin, pour voir comment une révolution humaniste et bourgeoise à la base est petit à petit (enfin, assez vite quand même !) devenue une dictature communiste. Nous comprenons notamment que si le parti communiste cubain (une des différentes factions ayant participé à la révolution) a peu à peu infiltré tous les organes du pouvoir, c'est parce que c'était la seule organisation disposant des compétences pour diriger le pays. Castro était donc obligé d'orienter sa politique dans cette voie. Bon, et puis il était un tantinet mégalo aussi, hein.

Cela fait 50 ans que la révolution cubaine a mis le peuple sous sa coupe. L'auteur raconte ainsi une plaisanterie qui circule à Cuba : Quelles sont les 3 grandes réussites de la révolution ? L'éducation pour tous, la santé pour tous, la culture pour tous. Quels sont les 3 grands échecs de la révolution ? Le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner.

A titre personnel (cette réflexion n'engage que moi), la principale réussite de Fidel Castro me semble être la création de la marque nationale de cigares Cohiba, une des meilleures... Sachez aussi que JFK, quelques jours avant de décréter l'embargo sur Cuba (en 1962) aurait fait secrètement commandé d'énormes quantités de cigares cubains pour la cave de la Maison-Blanche...

Le gouvernement en place vient d'autoriser les téléphones portables et les ordinateurs, mais toujours pas internet, alors que Fidel, depuis sa chambre d'hôpital, tient un "blog" sur cubadebate.cu

Espérons pour le peuple cubain que l'arrivée de Barack Obama au pouvoir et le semblant d'ouverture du régime depuis l'arrivée de Raul leur permettra d'effacer ce demi-siècle d'histoire raté.

17 janvier 2009

Relais Inter-Entreprises 2009

Comme chaque année depuis 12 ans, le Relais Inter-Entreprises aura lieu en Guadeloupe le 27 mai (jour férié, abolition de l'esclavage). Mais cette année, le parcours change : les 11 premières éditions reliaient Pointe-à-Pitre à Basse-Terre, et cette fois-ci, l'arrivée se fera à Saint-François. Il y a toujours 21 relais d'à peu près 3 km. Chaque équipe doit justifier l'appartenance des coureurs à son entreprise ou administration, et a droit à 21 coureurs et 3 remplaçants. Voici la carte du nouveau parcours.



Mon collège participe à l'épreuve pour la quatrième fois, chaque nouvelle participation ayant vu un progrès dans le classement ! J'y ai participé en 2007 et 2008, et compte y participer de nouveau. Je ne sais pas encore où sera mon relais... Cette année, nous devrions nous associer au collège Maurice Satineau de Baie-Mahault, pour encore progresser au classement.

Malheureusement, certaines dérives commerciales enlèvent toute convivialité à l'épreuve. Les entreprises de tête engagent de vrais coureurs en CDD pour pouvoir gagner l'épreuve et ainsi faire un bon coup de pub... Je préférais les premières éditions, lorsque les sapeurs pompiers ou le 41ème BIMA finissaient en tête...

9ème...

Sans transition, foot-balle... Donc, non, au risque de vous décevoir, il ne s'agit pas d'un post sur le 9ème livre que j'aurais lu ce mois-ci... Il s'agit tout simplement du classement officiel de l'équipe de Guadeloupe (les Gwada Boys, qualifiés pour la Gold Cup qui se déroulera prochainement aux USA). La Guadeloupe a le droit de participer à toute compétition officielle régionale, mais pas aux qualifications pour la coupe du monde (car il ne s'agit pas d'un pays stricto sensu). Les joueurs guadeloupéens sont sélectionnés dans le championnat régional, mais aussi dans quelques clubs pros ou semi-pros d'Europe (ainsi, certains joueurs viennent d'Utrecht, de Vannes...). Tout joueur qui est sélectionné en équipe de France ne peut l'être en équipe de Guadeloupe, et doit attendre 4 ans après sa dernière sélection chez les bleus pour pouvoir l'être chez les Gwada Boys.

La Guadeloupe a donc des résultats tout à fait honorables, compte tenu de sa taille et de son statut de DOM. Elle se classe ainsi 9ème dans la zone CONCACAF (Amérique du Nord et Centrale, Caraïbes). Voici le classement très récent :

1. Etats-Unis
2. Honduras
3. Costa-Rica
4. Mexique
5. Jamaïque
6. Trinidad-et-Tobago
7. Salvador
8. Grenade
9. Guadeloupe
10. Guatemala
11. Canada
12. Cuba
13. Haïti
14. Surinam
15. Panama
16. Antigua-et-Barbuda
17. Barbade
18. Martinique
19. Guyana
20. Antilles néerlandaises
21. Porto Rico
22. Bermudes
23. Belize
24. Iles Caïmans
25. Saint-Vincent-et-les-Grenadines
26. Saint-Kitts-et-Nevis
27. Sainte-Lucie
28. Iles Vierges Britanniques
29. Bahamas
30. Aruba
31. Dominique
32. République Dominicaine
33. Anguila

A noter que la Guyane française, Montserrat, le Nicaragua, Saint-Martin, les îles Turks et Caïcos et les îles Vierges Américaines ne sont pas classés à cause de leur peu de matches. Sint-Maarten non plus, car ils n'ont disputé aucun match...

09 janvier 2009

Les Possédés de la pleine lune

Ach, ce blog n'a plus grand chose du carnet de voyage initial, et ressemble de plus en plus à une chronique littéraire... C'est pas grave, le but principal de la littérature est de faire voyager, non?

Voici donc le dernier roman que j'ai lu, Les Possédés de la pleine lune, du Haïtien Jean-Claude Fignolé. Il s'agit de son premier roman, datant de 1987. L'auteur est à présent le maire du village dont il parle dans son livre, Les Abricots. En cliquant sur le lien, vous pourrez lire une page web assez intéressante à propos d'une action humanitaire menée dans ce village. La grande question est : "comment ai-je eu connaissance de cet auteur et de son œuvre ?". Eh bien en regardant l'émission Thalassa du 12 décembre (émission sur la Guadeloupe, incluant un reportage sur Les Abricots et son maire qui se démène comme un beau diable pour faire bouger les choses) ; vous pouvez voir des extraits des reportages ainsi que la bande annonce de l'émission sur le lien.

Le roman est, quant à lui, particulièrement moderne et original. Assez ardu à lire, cela dit. L'auteur raconte plusieurs histoires particulières, des événements arrivés à des habitants de ce village, sur fond de mythologie créole et de catastrophes naturelles. Il faut une bonne connaissance des mythes et légendes haïtiens pour parvenir à bien comprendre toutes les subtilités du style. Lequel mêle discours polyphonique, narration éclatée, et phrases extrêmement longues. Il est assez difficile d'y entrer, mais une fois accepté le contrat, on se laisse porter par ces histoires qui font l'Histoire du village. Un pêcheur ayant perdu un oeil cherche à se venger du poisson coupable, un homme est retrouvé découpé en quatre morceaux, une jeune femme ne trouve la volupté qu'en se baignant dans les rivières... Il m'est assez difficile de résumer ce livre d'une grande richesse, mais encore une fois, la littérature haïtienne montre toute sa vigueur. En voici un extrait assez savoureux, une bagarre entre le pêcheur borgne, Agénor, et son rival Louiortesse.

" Mais il était costaud, cet Agénor. Tout en muscles durs comme le fer. Il étira son corps, desserra mon étreinte. La rudesse de ses mains tomba sur mes épaules. Nous nous empoignâmes. Le ciel tonna du bruit de nos muscles et de nos souffles. Je lui tirai une bordée. Agénor para. Les cocotiers alentour tremblèrent. Un rude jouteur. Il riposta par une cabane. Le jeu ne serait pas facile. J'esquivai mais je sentis sur moi, plus vigoureuse, la pression de ses muscles. Ah ! Oui ! Costaud. Le voyage m'avait fatigué. Je faiblis. J'aurais dû attendre, patienter, prendre des forces, récupérer. Comme toujours, j'ai perdu la tête. Reviens, gueuse, reviens ! Plus que jamais, j'ai besoin de toi. Les mains d'Agénor descendirent jusqu'à mes bras, les paralysèrent. Il me lança à droite, il me lança à gauche. Privé de mes moyens, je n'étais qu'un tronc pris dans un roulis. Il me fit un croc-en-jambe. Je bandai mes jarrets. Enracinés dans le sable, ils résistèrent. J'essayais de raisonner. Garder mon sang-froid. Agénor, lui aussi, doit être fatigué. D'avoir cherché Raoul toute une nuit. Résister, puis, céder brusquement sous la pression et le surprendre. Malin, il s'est collé à moi. Ce n'est qu'un jeu. Je réussis à dégager mes bras. Feinter. Je me laisse tomber et je bascule d'un deux pieds collés. Hélas ! Ma tête n'était plus là pour me rappeler que le sable mouillé est traître. Pas du tout stable. Il glissa sous mes pieds, me déséquilibra. Agénor, juste à cet instant, tenta une deuxième prise qui me plaqua au sol.
Il cogna. La rumeur de la mer, ajoutée aux vivats du village qui fêtait la prouesse de son borgne pitoyable, me parvint dans une grêle de coups. Au visage, à la tempe, au nez, à la bouche. Ma tête bourdonne. Elle est revenue ? Mais non ! Elle fuit. Elle m'abandonne, encore une fois. J'eus le temps de cracher une dent à la face d'Agénor avant de plonger dans ma nuit. Evanoui. La nuit, plus que jamais, a un goût de sang. Et ce n'est plus un jeu."